Système Borr

Étoile : Borr, géante bleue de type A0 en séquence principale.

Système : planètes : 18. Zone favorable : 2. Habitables : 1.

Reagan, Borr 13.

Satellites : aucun

Durée de l’année : 187 années standard.

Type de saisons : modérées.

Classification : aride, 48% de superficie émergée.

Températures à la surface : -20°C à +50°C.

Terres émergées : 1 continent primaire.

 

 

Il n’est pas toujours facile de revenir à un endroit où l’on a déjà vécu. Pietro était natif de Reagan, et ne l’avait jamais quittée pendant les trente premières années de sa vie. Des années heureuses avaient été gommées par le drame final qu’il y avait vécu. Tout cela lui apparut en un éclair au moment où il posa le pied sur le tarmac de l’astroport Glenson.

  • Ça ira, Pietro. Ça ira.

Évidemment, Alicia l’avait senti gamberger. Sa faute à lui, il avait appris à s’isoler, mais ne l’avait pas fait.

  • À quoi servent les amis sinon ?

La voix de Bud. Souvent silencieux à l’inverse de sa sœur. Efficace. Rassurant.

  • Masque-toi un peu quand même.

Un sourire. Un peu contraint au départ, puis beaucoup plus naturel au vu du regard confiant d’Alicia. La petite sœur. Finalement, elle était devenue celle de tout le monde à bord du vaisseau. Même Peter, d’ordinaire entreprenant auprès de toutes les femmes, ne cherchait pas à la voir sous cet angle.

  • Mais moi aussi je t’aime bien.
  • Je sais. J’en suis sûr.

Il sentit sur lui le regard de Natacha. La Solarienne était à l’écart de la conversation télépathique, mais Pietro savait qu’elle avait compris. Comme à l’accoutumée, elle n’était présente qu’à travers son avatar, un robot de combat à son apparence. Pietro s’était attendu à voir dans cet avatar une version idéalisée de la jeune femme, mais à l’occasion des rares sorties de celle-ci, il avait pu observer à quel point la machine était une copie extérieure de l’originale humaine. Il y avait peu à redire sur l’une comme sur l’autre. Il lui fit un petit sourire. Oui, ça ira. Elle acquiesça.

  • Bud, transmets-moi les communications de la police.
  • Echo Unité à central. Nous avons un 7-A sur Yanko. Besoin de renforts immédiatement.
  • Reçu Jim. N’interviens pas, on n‘a personne pour le moment.
  • Zulu Quatre à central (bruits de tir de radiants), un homme à terre. On est cloués sur notre position, angle 13° et 35°. Il faut évacuer Lynn, elle est en train de se vider. Envoie Carla.
  • Carla est à l’hôpital, les toubibs espèrent la tirer d’affaires. On n’a personne. Je t’envoie le premier qui se libère.

Bjorn prit la ligne, en refermant la visière de son casque.

  • Gold Leader à central. En route sur Zulu Quatre. TSO 90[1].

Il y eut un silence de quelques secondes.

  • Gold Leader ? C’est une blague ? Elle n’est pas drôle.
  • Négatif, Tanya. Zulu, on arrive par le haut.
  • Schmidt ici. Judge, c’est bien toi ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
  • On discutera de ça au retour. Topo ?
  • Quatre devant qui tiennent l’angle, deux bloquent la sortie sur la 14°. Ils ont tous des champs.
  • Je pique.

Profitant de son agrav, Bjorn s’était lancé dans une série de sauts entre immeubles, à la hauteur des toits. Il sauta d’une hauteur de dix mètres juste derrière sur une personne en armure légère, n’amortissant sa chute qu’au dernier moment. La lame de forces fit le travail, traversant le mafieux de l’épaule jusqu’à la taille. Bjorn coupa l’alimentation de la lame pour ne pas avoir à désempaler, en même temps que du revers il plongeait son poignard de verracier dans la gorge de l’autre. Les deux hommes n’étaient pas encore au sol que Bjorn avait déjà sauté au niveau du premier étage.

  • Couvre-moi. Je prends Lynn et on décroche. Tu tournes sur la 14° et tu évacues.

Bjorn avait pris son ancienne collègue dans ses bras, et continua sur le canal télépathique,

  • Natacha, tu peux lire ses paramètres vitaux ?
  • Ton moniteur indique une forte baisse de la pression artérielle due à la perte de sang, et le cœur est en train de s’arrêter.
  • Bud, préviens l’hôpital du secteur 4, il faut une civière avec des transfusions sur le toit dans une minute.
  • C’est en train de se faire, répondit Alicia à la place de son frère, ce qui lui arrivait souvent.
  • Kalna et Pietro, couvrez Zulu-Schmidt sur son retour, je n’exclus pas que les autres reviennent sur lui.
  • J’ai un autocab, répondit Kalna.
  • Bien reçu.

Il revint à la radio de police.

  • Schmidt, l’autocab qui arrive est pour toi. J’ai un équipier à l’intérieur.
  • Je le vois. Je monte. On se retrouve au central, j’espère.
  • Pas de problème. Je dépose Lynn.

Ce faisant, il n’avait que rarement atteint cette vitesse en agrav. Sur un champ de bataille, elle était peu recommandée, la trajectoire rectiligne offrait une cible de choix à tout système de tir automatique ou ennemi bien placé. Le commando atteignit bientôt le toit de l’hôpital, où une équipe était en train d’arriver à la hâte avec une impressionnante civière d’urgence. Il déposa Lynn sur le brancard, regarda un moment le collier qui s’était fixé sur son cou, perçant les artères pour fournir du sang au cerveau, la méditech qui commençait à lire les paramètres vitaux, les infirmiers qui terminaient de sécuriser la blessée sur l’engin. Cette équipe trauma avait visiblement une expérience importante. L’un des assistants se tourna vers Bjorn.

  • Nous avons reçu un appel de police pour recevoir cette blessée en urgence, je suppose que je m’adresse au central ?
  • En effet, j’ai sans doute d’autres interventions à effectuer.
  • Attendez, ne partez pas, vous êtes couvert de son sang.
  • Il n’y a pas que le sien, répondit Bjorn en sautant depuis le toit.

Reagan était une planète colonisée par des terriens lors de la Deuxième Vague, après que la Terre ait été autorisée par le Conseil de la Fédération à envoyer de nouveaux vaisseaux dans l’espace. Après un demi-millénaire de confinement, les populations de la Terre avaient à nouveau foulé des sols inconnus, s’extrayant de leurs refuges souterrains surpeuplés, pour vivre à nouveau à la surface d’une planète hospitalière. Le second exode des terriens avait été massif. Des deux milliards d’individus que la population comptait à l’ouverture, moins du quart subsistait encore au bout de vingt ans, dans des conditions largement améliorées par la baisse de la population. La Seconde Vague était allée largement plus loin que la première. Pour des raisons techniques, avec l’amélioration des motorisations. Avec le besoin pour beaucoup de s’éloigner du Centre et des mondes de la Fédération. Et la propension humaine à chercher simplement à aller plus loin.

Reagan faisait partie de ces planètes situées au-delà des précédentes, dans une chaîne longue d’un millier d’années-lumière. Son caractère aride la destinait peu au peuplement humain, mais la présence d’importantes ressources minières, ainsi que la proximité de planètes productrices en agriculture permettaient d’envisager un commerce bilatéral florissant. C’est ainsi qu’un matin de janvier 2895, le nom d’Howard Reagan, ancien capitaine de la police de New Washington, fut tiré au sort pour être transmis au sol sur lequel la nouvelle colonie venait de se poser.

Depuis, une population industrieuse s’était développée sur cette planète de la Bordure, qui suite à des activités pirates importantes avait rejoint la Fédération en 3407, mais avait conservé comme la plupart des mondes alentours son statut de contact limité, pour garder à l’économie locale sa compétitivité au regard de l’importation de haute technologie en provenance du Centre.

La ville d’Auckland avait été la première créée lors de la colonisation. Elle avait été tracée au cordeau et à l’équerre, quartier par quartier, mais les premiers bâtiments avaient rapidement disparu, remplacés par des immeubles de plus en plus hauts, qui concentraient la main d’œuvre nombreuse qui travaillait dans les industries.

Le bâtiment du central de police d’Auckland occupait un bloc entier, il était haut d’une quinzaine d’étages, et le toit était en partie encombré par les restes d’un glisseur de police. Bjorn prit soin de se signaler bien avant d’arriver en vue des policiers équipés de lance-missiles qui gardaient ce toit.

  • C’est … c’est pas vrai Bjorn, c’est bien toi ? On t’avait tous cru mort.
  • Le but de ceux qui ont monté l’opération était bien qu’on y croie.
  • Et Pietro ?
  • Il arrive en voiture dans quelques minutes. Qu’est-ce qui s’est passé ici ?
  • Le patrouilleur quatre a pris un missile en se posant. On suppose qu’ils ont voulu tuer le témoin qui était à bord. Mais c’est un des pilotes qui a morflé.
  • C’est l’enfer depuis deux jours. Tout ce qui existe comme mafia est mobilisé. On pense qu’il y a des éléments extérieurs, surtout que ça coïncide avec la perte de communication.
  • C’est justement de ça que je viens parler. Chief Garson est dans la place ?
  • Il n’a pas quitté son bureau depuis le début des événements.
  • Je dois lui parler.
  • Justement, il te demande.

L’intérieur du bâtiment ne contrastait pas avec l’ambiance du toit. La plupart des policiers étaient lourdement armés et armurés, les stocks d’armements de haute technologie venaient d’être ouverts suite à l’état d’urgence, et sur son trajet Bjorn rencontra un groupe en train de s’initier à leur fonctionnement.

  • Chouette armure Bjorn, il faut signer où pour en avoir une ?
  • Dans les commandos de la Flotte.
  • Bah, j’attendrai un peu.

Les policiers se donnaient l’air de plaisanter, mais faisaient peu illusion sur leur état d’esprit. Ils étaient en guerre, mais ne savaient pas contre quoi. Ils affrontaient des hommes, mais savaient que quelque-chose poussait ceux-là dans un déchaînement de violence qui semblait trop outrancier pour être fortuit. La tension et l’anxiété se lisaient sur tous les visages. Le chef de la police ne faisait pas exception. Son bureau d’ordinaire impeccable paraissait négligé, avec des emballages de nourriture qui dépassaient de la corbeille, des armes et des clips de munitions posés sur les tables, et l’air de ne pas avoir été entretenu. Le marshal Garson lui-même semblait fatigué et nerveux. Un lit de camp posé derrière son fauteuil montrait la portée de la crise.

  • Assieds-toi. Une, merci pour Lynn, j’espère qu’elle aura l’occasion de te le dire elle-même.
  • Au moins, je ne suis pas venu pour rien.
  • Au vu des circonstances, pas par hasard non plus. Qui t’envoie ?
  • L’amirale Landret, une opération conjointe avec la Police Interstellaire. Et ses éclaireurs sont probablement dans le système, en attendant le reste. Il faut tenir quelques jours.

Garson siffla entre ses dents.

  • Pas forcément facile, surtout que je suppose que cette information est confidentielle.
  • Ils ont forcément des informateurs. Et Smith veut en neutraliser un maximum. Landret ne peut pas rester à tourner dans le secteur, mille années-lumière font une distance importante en cas de menace sur le centre.
  • Pourquoi êtes-vous partis ?
  • Nous n’avons pas demandé. On a été choisis. Et ça valait mieux pour tout le monde. Les gars qui sont venus nous chercher sont les seuls en qui j’aurais eu immédiatement confiance.
  • Tu ne portes pas l’armure des commandos. C’est un modèle personnalisé. Beaucoup plus cher, alors que déjà…
  • Quand on intervient pour contrer des dangereux de cette espèce, il faut mettre ce qu’on peut de notre côté.
  • Bon, je n’insiste pas, c’est au-dessus du niveau d’un chef de section, il y a des choses qu’il vaut mieux ignorer. Qui mène la danse chez les méchants ?
  • Wardinsky, l’ancien leader de Claystone.
  • Je n’ai pas entendu dire qu’il avait été destitué.
  • C’est arrivé juste après que le relais ait été détruit. On a été occupés à empêcher le champ planétaire de sauter.
  • Il faut des renforts pour le nôtre ?
  • Je ne crois pas. Les circonstances sont différentes. On estime qu’ils cherchent à prendre Auckland d’assaut.
  • Il y a un paquet de mercenaires dans l’astroport, ils arrivent en même temps que des transports de marchandises. On n’a pas l’autorisation de fermer le port.
  • Ça ne servirait à rien, au contraire. Vous seriez contraints de faire décoller la chasse, et s’ils ont des missiles au sol ils feraient un carnage.
  • Ils doivent avoir un plan qui passe par l’espace.
  • Sûrement. Il faut garder la chasse pour celui-ci, et temporiser pour que la Flotte arrive à temps.
  • C’est ce que fait ton équipe ?
  • On n’est pas un commando d’intervention lourd. On se renseigne, on s’infiltre, et on emploie la force si nécessaire. On a libre cours si nous avons des renseignements.
  • J’ai quelque-chose pour vous alors. L’entrepôt CR-I1 dans le troisième secteur. Un groupe d’une cinquantaine de personnes, fortement armées.
  • On s’en occupe.

Ce faisant, il prévenait Alicia. La réponse arriva de Kalna.

  • Je viens de déposer mon mignon petit policier. TSO 660 sur la zone. À partir de là, je prends mon temps pour étudier la situation. Quels sont les paramètres d’engagement ?
  • Neutralisation du maximum d’objectifs. Je doute qu’il y ait des civils dans la réunion.
  • Bien reçu. Fais rentrer tous les flics, ça va hurler au sang.
  • Alicia, quel est le dernier TSO pour la flotte ?

La réponse suivit, comme si elle était déjà prête, ce qui au final n’était pas exclu, Bud assurant une liaison régulière avec le navire amiral.

  • Vingt-huit heures.

Bjorn reprit la conversation avec le marshal.

  • Il va falloir déclarer la loi martiale. Nous avons deux jours avant l’arrivée des renforts.
  • Bjorn, tu n’es toujours pas cybernétisé, non ?
  • Non, je suis psychologiquement allergique à ce genre de manipulations sur moi, j’ai encore ma carte de paiement externe et non implantée.
  • Alors vous avez un télépathe. Et un gros.
  • Deux, et aucun n’apprécierait que tu les traites de gros. (Bjorn ressentit un murmure approbatif)
  • Je vais devoir négocier avec le gouvernement. Évidemment il y aura des fuites.
  • On compte suivre l’activité des communications. Au moins pour localiser les protagonistes. Il faudrait bloquer les relais hyper spatiaux. Leur flotte ne doit plus être mise au courant de la situation.
  • Ce sera fait, je peux ordonner aux techniciens de faire une maintenance lourde, en prévision du rétablissement des communications.
  • Je te retrouve bientôt, j’ai besoin d’un point central pour l’intervention.
  • Nos planques sont probablement sous surveillance.
  • Je m’en doute.

Quelques instants plus tard, alors qu’il retrouvait  Pietro, Schmidt et une grande partie de la brigade dans le réfectoire, une annonce retentit.

  • Annonce importante : la loi martiale sera déclarée dans deux heures, avec un couvre-feu immédiat. La population civile est dès à présent invitée à se mettre à l’abri sous une alerte d’invasion. Les patrouilles seront autorisées à interpeller tout contrevenant. Vous êtes tous invités à lire la directive relevant des conditions de la loi martiale.

La voix du marshal succéda à l’annonce.

  • Explication de texte : la population civile est amenée à quitter le champ de tir. Aidez-les à se mettre à l’abri, et profitez des espaces pour prendre les bonnes cibles. Nous sommes en guerre contre des pirates. Il nous faut tenir deux jours jusqu’à l’arrivée des vaisseaux de la Police Interstellaire.

Pietro réagit sur le canal télépathique.

  • Plutôt fin, comme d’habitude. Les pirates s’attendront à recevoir un maximum de quatre frégates avec leur complément, et nous devrions les surprendre avec la flotte complète. Nous devrions voir leurs scouts transmettre la nouvelle sous peu.
  • C’est fait, répondit Dniek. Le message provient du palais gouvernemental.
  • Une analyse de la flotte, annonça Alicia. S’ils ne retirent pas leurs troupes d’ici quelques minutes, c’est qu’ils ont les moyens de tenir la patrouille sans risque pour eux. Plus de cinq contre un sur les soixante mille tonnes de quatre frégates.
  • Plus de trois cent mille tonnes donc… Le plus gros parti de pirates repéré dans l’ensemble du secteur.
  • Alors il faut bloquer leurs décisions. Kalna, où en es-tu ?
  • C’est une rencontre au sommet par ici. Six groupes, chacun avec un chef et trois porte-flingues. Pas vraiment l’amicale des joyeux pirates. À l’extérieur, les compléments d’hommes de main se regardent en chiens de faïence. Je suis dans le plafond de la salle de réunion, ils sont en train de décider qui va attaquer la caserne. Chacun préfèrerait que ce soit un autre. Et ils ne se font pas confiance pour s’associer.
  • Charmant, fit Natacha. Il faut qu’on intervienne sur place. Vingt-quatre personnes rien que dans la salle, ça fait beaucoup. Il va falloir traiter la cible en force.
  • J’ai la possibilité de frapper.
  • Je ne joue pas aux dés.

Cachée dans les poutres métalliques de l’entrepôt, Kalna se mit à bouger avec son camouflage activé. Un observateur attentif aurait repéré un flou, comme une déformation, passant devant certains détails de l’architecture. Le flou se dirigea en silence vers le centre de la salle, s’arrêtant avant la zone uniforme en pleine lumière. Les chefs pirates étaient en train de discuter de vive voix des compensations allouées aux assaillants. Seuls deux des gardes eurent le temps de lever les yeux vers les objets projetés dans la salle à haute vitesse. Trois objets. Autant de plans lumineux, horizontaux, d’un blanc aveuglant, se dessinèrent dans la salle, au niveau des chaises, de la table et un peu au-dessus, à la hauteur des têtes des personnes assises. Les trois grav-grenades avaient explosé presque simultanément, délivrant leur charge de destruction à partir de la table de négociation, dans un fracas d’accident industriel. La garde qui avait vu les grenades tomber s’était jetée au sol, pour se faire cueillir par l’explosion la plus basse. Son corps séparé en deux parties s’agita quelques instants dans une frénésie grotesque. Les hommes et femmes à la table avaient subi la majorité de l’impact. Tous terminèrent de retomber au sol dans un amas de corps dissociés et de membres orphelins. Quelques gardes hébétés et sanglants, protégés du pire de l’impact par les corps de leurs chefs, se traînaient au sol, certains avaient été touchés aux membres inférieurs. Un seul, relativement intact, se jeta hors de la salle, pour se faire cueillir par les tirs des tueurs restés à l’extérieur. Sans attendre l’irruption imminente de gardes nerveux et paranoïaques, Kalna se replia sur sa position initiale, avant de ressortir par la colonne sèche.

  • Rapport de situation. Soixante-deux pirates sur la zone. Six chefs de groupes et treize gardes du corps éliminés. Cinq blessés graves avec amputations. Soit trente-neuf pour cent des forces ennemies hors-combat. Dois-je ravitailler pour une seconde passe ?

L’estomac légèrement serré par le spectacle qu’elle avait reçu sur ses moniteurs, Natacha lui répondit.

  • Inutile, on conservera l’effet psychologique de cette frappe. Rentre.

La nuit s’avançait sur Auckland. Sans satellite dans le ciel, les nuits de Reagan étaient connues pour être particulièrement sombres, malgré un ciel souvent clair. Camouflé sur le toit d’un immeuble, Pietro surveillait une zone importante. Le couvre-feu avait été largement respecté par la population, et les rares patrouilles de la Défense Planétaire restaient sur la défensive. L’ennemi était dans les murs, tout le monde en était conscient.

La surveillance des communications depuis le No Limit n’apportait pas d’information utile. Les pirates avaient accusé le coup sur la disparition de six chefs de bandes, mais cela n’avait pas causé plus de remous que quelques règlements de comptes rapides, joints sans doute à des prises de pouvoir aussi immédiates. Quelque-part, la machine pirate était sur le point de se déchaîner.

  • On a dû manquer quelque-chose, dit Natacha. Ils ont plusieurs centaines d’hommes armés jusqu’aux dents dans cette ville, et rien ne bouge.
  • Ils attendent des ordres, répondit Pietro. Ils n’ont jamais perdu le contact. Ils doivent avoir un plan rigide, avec une heure déterminée pour l’intervention de leur flotte.
  • Assez rigide pour rester organisé sans télépathes. Ils attendent sans savoir, comme celui que Kalna avait ramassé au retour.
  • Ce que ceux-là ont à faire doit être simple. Une équipe de pointe au moins doit avoir préparé un objectif.
  • Cette fois ce n’est pas le champ planétaire.
  • Le réseau de stations de défense orbitale ?
  • Ils pourraient la prendre d’assaut avec leurs petites unités en grand nombre sauf si…
  • Sauf si leur force principale est une unité lourde, et que la majorité de leurs effectifs est déjà au sol.
  • Et les six stations peuvent envoyer suffisamment de torpilles pour couler une unité majeure. C’est à cette condition qu’on défend une planète contre le Reich : ils n’ont pas les moyens de supporter les pertes.

Natacha composa une recherche rapide depuis son interface. La réponse fut instantanée.

  • Et le centre de commandes des stations est …
  • Juste à côté de la caserne de la Défense Planétaire. C’est plutôt bien protégé et sécurisé, mais si le QG est attaqué en même temps….
  • Compris, c’est pour ça qu’ils veulent l’attaquer. Ce n’est pas la pointe de leur stratégie, juste une diversion efficace.
  • Alicia ?
  • Eh, je ne peux pas coordonner une conversation sans l’entendre. Bud a transmis en direct à Jenny, qui est avec l’amirale.
  • Et que répond-elle ?
  • Jenny la relaie directement, elle arrive sur le réseau.
  • Alors on a un problème, affirma Natacha.

La voix télépathique de Landret suivit.

  • Ici Landret. L’analyse des profils que vous venez de nous communiquer implique une forte probabilité que l’attaque réelle soit effectuée par les troupes du Reich, les pirates agissant comme mercenaires.
  • Ils auraient monté toute cette affaire ? Ça correspond. À un détail près : leur plan consiste à éliminer les pirates au final dans une opération de maintien de l’ordre.
  • C’est également ce que je suppose.
  • Je suppose que cela va retarder votre intervention ?
  • Le trente-huitième bataillon d’intervention du Reich qui va mener l’opération a gagné l’hyperespace groupé. Leurs unités d’escorte sont plus lentes, et s’ils veulent se regrouper pour l’assaut, il leur faudra huit heures de plus. Nous serons sur place pour les accueillir à leur sortie d’hyperespace, qu’ils arrivent groupés ou pas. Nos scouts sont en train de déployer des détecteurs d’émergence. Si nous les surprenons, nous aurons le temps et les moyens de leur faire mal. Au-delà, il est préférable de leur laisser une voie de sortie que de payer le prix pour les exterminer. Une bête sauvage acculée peut être très dangereuse.
  • Et pour nous sur le terrain ?
  • Une fois que nous aurons repoussé les nazis, nous enverrons des troupes au sol pour régler la situation. Faites ce que vous pouvez pour contrer leur attaque sur le centre de contrôle, mais au cas où ils réussiraient nous serons contraints de détruire les stations. Ce n’est que du matériel. Pas un pirate ne devra quitter ce système, et nos chasseurs vont s’en assurer.

La nuit s’était bien avancée. Pietro avait changé d’affut, couvert par Kalna. Bjorn et Natacha avaient investi le centre de contrôle, Natacha étant déguisée en policier au poste de garde, Bjorn en équipement lourd se trouvait à l’entrée du passage protégé. Alicia avait investi le QG de la Défense Planétaire, où elle avait déjà charmé la brigade, qui lui avait décerné le titre de ‘’petite sœur universellement compatible‘’ à la suggestion de Pietro.

L’opération débuta une heure avant l’aube. Pietro vit une douzaine de personnes lourdement chargées se présenter à proximité de la seule entrée du centre de contrôle. Quatre camions suivaient. Ils étaient les seuls à circuler malgré le couvre-feu. Les policiers étaient prévenus mais se contentaient de tenir leur position.

Sur un signal, les camions se déchargèrent d’une trentaine de personnes chacun, à la suite de quoi le premier accéléra pour forcer la barrière entourant le QG. Le camion fut arrêté avant la barrière par un missile qui provenait de derrière, et l’explosion de sa propre charge d’explosifs fut pratiquement sans effet. Un feu nourri, venu des batteries automatiques, accueillit les pirates qui montaient à l’assaut, sans autre effet que les envoyer se mettre à couvert. Les pirates répondaient en dépensant beaucoup de munitions, sans faire montre d’un acharnement démesuré. Mais les policiers étaient prévenus, ce n’était qu’une diversion.

Depuis son poste de garde, Natacha observait les événements et comptait les délais. Elle fut déçue quand la porte d’entrée se fracassa trois secondes après son estimation précédente, qui déjà avait ramené son estimation des attaquants à ‘’milice de province’’. Trois pirates se ruèrent juste après en tirant, comptant sur l’effet de choc de leur explosif pour étourdir toute opposition, fût-elle protégée par des champs de forces. Le tir de Gauss fut une surprise désagréable. Le projectile antitank atteignit l’assaillant de pointe à la tête, traversant son champ de forces, son casque, et ressortant de l’autre côté avec une vélocité encore mortelle, mais sans atteindre d’autre cible. En même temps, la charge de démolition placée au-dessus de la porte poussa les trois hommes vers l’intérieur, déséquilibrant les deux vivants qui partirent pour un vol peu élégant vers la guérite. La lame de forces de Natacha cueillit le premier à l’épaule, la force de l’avatar faisant descendre le rayon jusqu’au sternum, et alors que le deuxième terminait de tomber il reçut le retour de la lame sous l’attache du casque. Au même moment, Pietro, qui avait troqué son fusil laser inutile face aux champs de forces contre un lance-fusées, tira une longue giclée de missiles sur le groupe qui avait reculé en se mettant à l’abri des tirs de l’intérieur, et quitta immédiatement sa position pour se laisser tomber derrière l’immeuble. La riposte ne se fit pas attendre. Elle parvint de deux des pirates qui n’avaient pas été touchés, et détruisit le lance-fusées vide et chaud que Pietro avait laissé comme leurre, ainsi qu’une partie du toit.

Profitant de la confusion provoquée par le tir de Pietro, Natacha se rua vers la sortie, prit momentanément une accélération verticale de sept g, et disparut sur le toit de l’immeuble, non sans avoir à nouveau tiré un nouveau palet de son Gauss, qui fit s’écrouler l’assaillant le plus visible.

Les pirates intacts, relativement tranquilles pour un instant, tentèrent une nouvelle fois de franchir l’entrée. Pour reculer immédiatement : les beaux rayons rouges de plusieurs mines laser se croisaient dans le hall d’entrée. La poussière provoquée par les récentes explosions les mettait largement en évidence, comme pour narguer les assaillants.

Natacha regarda le chronomètre de son interface : dix secondes s’étaient écoulées depuis l’explosion de la porte. Au moins la moitié des membres du commando d’assaut étaient morts ou incapacités dans l’embuscade. Les membres restants se trouvaient devant un obstacle infranchissable sans un mur mobile.

Puis elle vit ce que les pirates avaient improvisé. Une vingtaine de personnes se détournaient de l’attaque du QG, et arrivaient au coin de l’immeuble. Le reste du commando leva les armes vers les arrivants. Elle vit le premier pirate s’élancer, pénétrer dans le hall. Elle perçut la décharge d’énergie, et les détecteurs de mouvements du hall se turent. Les commandos envoyèrent une deuxième personne, avec le même résultat. La troisième tenta de s’enfuir et fut abattue. À la pointe du canon, la quatrième pénétra. Elle tomba après un mètre de course. Comme la cinquième, et la sixième. Natacha connaissait l’état des réserves énergétiques des mines. Elle savait que le système pourrait tirer une fois de plus. Elle en prit les commandes et éteignit les détecteurs.

Le septième entra prudemment, ne vit plus rien. Dans la pénombre de la salle dévastée, il trébucha sur un cadavre, avant de sauter derrière le bureau et de se coucher. Quatre hommes suivirent, dont deux des commandos. Il n’y aurait pas de meilleure occasion avant que ceux-ci repèrent les mines et les détruisent. Natacha déchargea les mines. La pièce fut une fois de plus parcourue par des rayons mortels.

Le commando spécial ne comptait plus que trois hommes. Natacha reporta son action sur les systèmes de communication des pirates. Ceux des commandos étaient identiques, dotés d’un chiffrement de qualité militaire. Ceux des auxiliaires étaient hétéroclites, et ne pouvaient communiquer autrement qu’en clair, ou presque. Elle copia la voix enregistrée de celui qui semblait leur donner des ordres de loin, et projeta les ondes dans la direction exclusive de leur position.

  • Bon, maintenant on fait payer nos pertes à ces salopards. 3, 2, 1, go !

Les dix hommes restants réagirent ensemble, et déclenchèrent un feu mortel sur les commandos. Même surpris, ceux-ci eurent le temps de riposter, éliminant plusieurs pirates, mais succombèrent sous le tir croisé.

  • Pas mal, 9,9 !
  • 9,9, OK.
  • 9,5 : il en reste six.
  • Ronchon !

Pietro était plus largement préoccupé par la suite de l’opération.

  • Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
  • On réactive le piège, variante sans moi à la réception, parce-que s’ils reviennent, il y aura un missile vers le bureau.

Kalna par contre se sentait d’humeur joueuse.

  • Et si on mettait un lance-missiles dans ce qui reste du bureau, dont la destruction déclencherait la vraie bordée d’attaque ? J’ai encore un sac à dos plein …

Natacha l’interrompit.

  • Ils viennent de recevoir l’ordre de repli général, et Dniek a localisé l’émetteur. Ils se sont crus malins en utilisant un émetteur aphasique, mais le No Limit est équipé pour la recherche par écholocalisation. Alicia, transmets les coordonnées au marshal.
  • Il nous dit que cette zone d’entrepôts n’est pas marquée comme abritant du personnel, à part normalement des gardiens.
  • Il nous faut un feu concentré sur ces coordonnées, l’antenne doit être détruite.
  • C’est parti.

Pour sa part, le marshal était abasourdi. Il avait vu la charmante petite sœur qui venait de raconter une blague se transformer instantanément en militaire, et demander de la voix la plus neutre la destruction d’un objectif par l’artillerie. Il s’exécuta. Sa propre équipe était autour de lui. Lors des dernières heures ils étaient passés du pire à l’espoir de s’en sortir. L’ennemi invisible avait pris un visage. Il avait aussi saigné.

  • Préparez les tubes un à cinq.
  • Missiles prêts, marshal.
  • Vérifiez les coordonnées de tir. Impacts décalés d’une seconde pour une frappe en profondeur.
  • Coordonnées confirmées.
  • Feu à volonté.
  • C’est parti, marshal. Impact.
  • Les rapports de télémétrie confirment les impacts sur les coordonnées. La cible est détruite jusqu’à soixante mètres de profondeur.
  • Envoyez un drone pour l’évaluation post-tir.

Alicia regarda le marshal.

  • Je suis en liaison avec l’amirale Landret, Marshal. Nous assumons toutes les conséquences de ce tir.
  • Ici, c’est moi qui assume ce tir, mademoiselle. J’ai tiré parce que je vous fais confiance, et que la flotte est en route pour nous tirer d’une très mauvaise situation. Maintenant que les moyens de transmission de l’ennemi sont détruits, que pouvez-vous dire ?
  • Notre flotte intervient dans quatre heures pour surprendre un bataillon nazi, en fait une pleine flotte de frappe, qui émergera à deux mille secondes-lumière du pôle sud de Reagan.
  • Les nazis sont derrière toute l’opération ? C’est tordu. Et ce n’est pas trop près ?
  • Comme d’habitude. Il y a plus. Notre but est également de capturer ou éliminer tous les pirates. Interdisez tout décollage de Reagan dans les prochaines heures, sous réserve d’usage de force létale. Les quelques vrais cargos présents ne subiront pas de préjudice important et seront indemnisés par la Flotte pour immobilisation. Ceux en attente viendront atterrir pour décharger, surtout si vous déclenchez l’alerte spatiale. Pour ce qui est de la distance, cela tient d’une merveille de puissance de calcul.
  • Je vois. Mulligan, lancez l’alerte et l’interdiction de décoller.
  • L’amirale vous remercie pour votre compréhension, et vous promet de venir s’expliquer en personne après l’opération.
  • Présentez-lui nos vœux de réussite pour la bataille.
  • C’est fait, marshal. Elle n’est plus en ligne, mais je reste en liaison avec ses télépathes.
  • Comment, ou pourquoi, la 6° est précisément ici, à ce moment ?
  • Je ne connais pas les détails. Le renseignement, des informateurs, et une bonne dose d’anticipation et de culot. Pour l’anticipation, je vous recommande de lire vos senseurs à longue portée, et de le compléter avec le flux qui vient d’arriver sur les communicateurs des satellites de défense. Et… marshal…
  • Oui ?
  • Vos gars sont chouettes.
  • Tu as quelque-chose sur eux ? Demanda Natacha.
  • Aucun n’a semblé contrarié lorsque j’ai annoncé l’arrivée de la flotte. Ça ne les dérange pas qu’on prenne les nazis en embuscade. Bien au contraire. Ils sont nets.
  • Tu restes avec eux pendant l’attaque ?
  • Oui, j’aime autant. Je jetterai juste un coup d’œil par-dessus les épaules de Bud, je veux voir ce qui se passe. Il va y avoir mon amirale et mes collègues dans la bataille. Elle a l’air de tout contrôler, et justement, elle réajuste ses plans tout le temps. Elle est le seul des amiraux à ne pas utiliser l’holotank, mais au contraire de tout visualiser dans son univers virtuel. Elle pose directement ses questions sur les prévisions de trajectoire à l’IA tactique, et l’analyse post-opération la note toujours au-dessus des 90%.

Natacha siffla mentalement entre ses dents.

  • Personne n’a réussi à se maintenir au-dessus de 60%, il m’avait semblé.
  • C’est pour ça que les nazis ont peur d’elle. Eux aussi ont dû la noter.
  • Et pour cette opération ?
  • Tu sais qu’elle a beaucoup de télépathes. Certains assurent le relai avec l’hyperespace depuis les scouts, et mes collègues sont dans le système depuis une douzaine d’heures. On a donné l’alerte au bon moment.

Depuis son parcage à l’astroport, le No Limit suivait les événements en cours. Peter Hardin rongeait son frein depuis le poste de pilotage, prêt à un décollage d’urgence. Ou plutôt prêt à battre tous les records de vitesse de sortie d’atmosphère. Dniek et Bud Steinway étudiaient les éléments tactiques locaux. Mais les pirates ne se montraient pas. Un transporteur pirate avait décollé malgré l’interdiction, il fut détruit à sa sortie de l’atmosphère, et ses débris se consumèrent, inoffensifs, en retombant dans l’atmosphère. Depuis son cercueil, Natacha supervisait les communications en animant son avatar à proximité du bâtiment de contrôle des défenses spatiales. Les pirates n’avaient pas tenté de nouvel assaut. Si le commandement de cette tentative avortée avait bien été détruit, il ne restait probablement personne qui connût le but réel de l’invasion.

Assise dans son fauteuil devant l’holotank, l’amirale Landret avait émergé depuis plus de deux heures avec son vaisseau, le formidable cuirassé Intrépide. Le vaisseau avait récupéré sa manœuvrabilité à force de décélérations d’urgence, et manœuvrait autour d’un espace laissé vide, derrière le cône d’émergence. Elle discutait avec l’état-major de sa flotte en attendant l’apparition des ennemis.

  • A votre avis amiral, pourquoi Stroebe fait-il cette manœuvre ?
  • Il veut être sûr d’arriver avant les frégates de police. Il a eu trop de problèmes avec les avisos escorteurs pour apprécier de s’en prendre seize avec leurs cent soixante torpilles.
  • On annonce l’émergence des éléments lourds dans trente secondes, dit un enseigne.
  • Activez les torpilles, feu à volonté. On acquiert les cibles à l’émergence. Interceptez leurs torpilles. Brouillage maximal, maintenant !
  • Les voilà.

L’espace vide venait de se remplir de mastodontes, qui larguèrent immédiatement une nuée de chasseurs et de missiles. Ou du moins commencèrent à le faire, au moment de l’impact des premières torpilles fédérales. Les distances entre les vaisseaux étaient en réalité importantes, plusieurs secondes-lumière entre les grosses unités. Mais les chasseurs, dépourvus de capacité hyper spatiale, ne pouvaient quitter les ponts d’envol avant l’émergence. Le problème était le même pour les missiles, mais les gros vaisseaux avaient de nombreux tubes de lancement. L’énorme vague de torpilles et de chasseurs fédéraux déjà lancés frappa les nouveaux arrivants. Les chasseurs encore en accélération post-luminique[2] tentèrent d’esquiver les petits missiles rapides qui leur étaient destinés avec des succès divers. Les grosses unités, totalement non manœuvrantes tant qu’elles ne redescendaient pas en-dessous de leur vitesse spatiale, se contentèrent de faire détonner les torpilles qui approchaient. Mais sans leur couverture de chasseurs, elles encaissaient de nombreux impacts et tous les senseurs indiquaient l’affaiblissement de leurs champs à chaque impact. Soudain, le vaisseau principal du Reich, un cuirassé d’un million de tonnes qui venait de subir un impact direct, disparut de l’espace.

  • Amiral, l’Hirondelle vient de repasser en hyperespace, son champ est instable, nous suivons sa courbe d’émergence.
  • C’est stupide. Pas aussi près d’une géante A.
  • La trajectoire reste tangente. Non. Elle s’incurve.
  • Bon sang, Stroebe, coupe tes propulseurs. Tu devras saborder ton unité de toute façon. Tu n’as pas besoin de tes deux mille hommes pour te suicider.
  • Nous avons interprété leur course, amiral. La télémétrie indique qu’ils n’ont fait aucune percée dans le domaine. Ils ont moins de cinq pour cent de chances de survie sur cette trajectoire.
  • À toutes les unités. Maintenez la pression. Les unités rapides nous arrivent dans le dos, elles seront visibles d’ici trente secondes. Deuxième groupe, c’est à vous. Coms, ouvrez un canal en clair sur les unités du Reich.
  • Vous l’avez.
  • À tous les émetteurs et les télépathes du Reich, prévenez votre amiral que son vaisseau fonce vers l’étoile, et rappelez-lui que c’est une géante bleue, dit-elle dans la langue officielle du Reich.
  • Contact senseur avec les unités rapides de la flotte nazie.
  • Envoyez la purée.

Le combat était déjà réglé du côté des unités lourdes, dont les champs avaient faibli au point de laisser passer torpilles et tirs de Nova. Des explosions parcouraient la plupart d’entre eux, et certains commençaient à laisser échapper des chaloupes de sauvetage.

  • Contrôle torpilles, retournez-les sur les nouveaux arrivants. Chasseurs du groupe quatre, tenez les lourds en respect et balisez une zone sûre pour les chaloupes. Informez les légers du sort des lourds.
  • Ils incurvent leur course, amiral.
  • Montrez-leur la bonne direction mais n’engagez pas. Nos pertes sont faibles pour le moment, mais si nous contraignons ceux-là au combat, ils vont venir au corps à corps.
  • Amiral, l’Hirondelle a quitté l’hyperespace. Ils sont en bordure de la zone d’attraction fatale de l’étoile.
  • Focalisez les senseurs.
  • L’étoile perturbe la lecture. Ils sont trop chauds. Explosions à bord. Moteurs inopérants. Leur vélocité a été convertie.
  • Des chaloupes ?
  • Non, amiral. Aucun signal hyper ondes. Aucun senseur. Pas d’activité lisible. Je crois que c’est fini, amiral.
  • Journal de bord : Stroebe était un idiot, qui a commis deux erreurs indignes d’une école de cadets, avant de conclure par une faute grossière d’astrogation.
  • Deux erreurs, amiral ?
  • Oui, pour commencer il a fait confiance à ses services de renseignements.

Sur les écrans, un croiseur léger sévèrement endommagé qui venait de larguer ses dernières chaloupes disparut dans une explosion.

  • Groupe neuf, préparez le transbordement des rescapés. Groupe huit, envoyez les commandos sur Reagan, ils ont un problème local de nuisibles. Sécurisez un périmètre pour l’atterrissage des navettes. Prenez contact avec la Défense Planétaire pour définir les objectifs.

La mine soucieuse, Alicia annonça aux policiers l’issue de la bataille. L’atmosphère dans le QG n’était pas à la fête, plutôt à un intense soulagement.

  • Des problèmes, Alicia ? La voix préoccupée de Natacha.
  • Il y avait un télépathe dans ce vaisseau, il ne focalisait plus quand je l’ai entendu. On l’a tous entendu dans le système. Il hurlait en allemand «Er hat nicht aufgepasst, Er hat nicht aufgepasst», «il n’a pas écouté, il n’a pas écouté».

 

 

 

[1] Arrivée dans 90 secondes.