A plus de deux cents kilomètres à l’heure, le véhicule furtif zigzaguait dans la circulation. Le calculateur de bord analysait en permanence les données sur les véhicules environnants pour trouver une solution permettant de continuer dans le flux sans devoir s’arrêter. La sensation pour Rocade était pure jouissance. La fluidité du mouvement, les rapides accélérations et décélérations, la vitesse pure par rapport aux objets presque immobiles qui le côtoyaient, tout cela l’inspirait plus que la créature qui s’était lascivement laissée tomber dans le second siège, et avait machinalement branché les interfaces dans des prises qu’elle avait dissimulées sur son corps.

Il atteignit la gare centrale près d’une minute avant le train, arrivant à la station de taxis à une vitesse encore élevée.

– « Reste dans la voiture,  » entendit-il, « je vais chercher le gosse. J’espère juste que le commando cherche à rester discret. »

Chrome se glissa d’un geste coulé hors de l’habitacle. Le véhicule des agents de sécurité était facile à repérer. Un homme, vraisemblablement le conducteur, fumait à côté de la porte. Chrome changea d’apparence, pour devenir une blonde voluptueuse en tenue très légère.

– « Tu as du temps, mon gros loup ? » fit-elle au conducteur, en apparaissant de derrière un pilier.

– « Pas ce soir. » commença à répondre l’agent de sécurité. « Mais tu peux me filer tes coordonnées, si tes tarifs sont convenables, on pourra faire affaire. »

Les détecteurs radio de Chrome fonctionnaient à plein rendement. Un signal émanait de l’armure. Le monitoring de santé. Le format était standard et non chiffré, le capteur devait être dans le van.

– « Voici ma carte, et un acompte. » fit-elle, en s’approchant de lui d’une démarche ondulante et entreprit de l’embrasser. L’homme ne vit pas le coup venir. Le casque retiré pour fumer était la seule vulnérabilité d’une armure de combat légère. Chrome se raidit. Le cybercobra avait fusé de sa gorge, pénétrant la bouche ouverte du garde, son palais, puis le cerveau. Tenu à bout de bras par Chrome, l’homme eut quelques soubresauts et tomba définitivement. Chrome avala son arme, gardant à sa victime la bouche fermée pour ne pas déverser de sang, et fracturant rapidement le coffre d’une autre voiture elle y posa le cadavre. Son émetteur était déjà en train de transmettre une copie des relevés vitaux d’un garde en vie.

La jeune cyber était déjà en train de se transformer, prenant l’apparence de sa victime. Ses formes et son visage se transformèrent également. Il allait manquer quelques centimètres. Elle rentra dans le minibus,  réplique presque parfaite du garde qu’elle venait d’éliminer, et s’assit au poste du conducteur. Elle appela Rocade par son communicateur.

– « J’ai leur véhicule.  »

– « Oui, j’ai vu. Ces systèmes de surveillance de parkings sont une passoire. Ceux des gares aussi. Les quatre autres gardes ont attendu à la sortie des voitures et attrapé le gosse. »

– « Fais diversion au moment précis où ils le mettent dans la voiture. »

– « Bien reçu. »

Le petit groupe était entré dans le parking. Un des gardes, l’arme sortie, ouvrait la voie. Le suivant tenait le gamin. Ou plutôt un adolescent nerveux, à qui on avait collé un gilet balistique. Les deux derniers, l’arme également en évidence, fermaient la marche.

Chrome amena le véhicule à leur hauteur et déverrouilla une porte arrière. Le garde qui tenait le jeune homme le poussa à l’intérieur. A ce moment, Rocade fit irruption dans le secteur du parking, éjectant un conteneur de fumigènes et une flash-bang, tout en  déclenchent ses mitrailleuses avant. Un des gardes fut happé par la ligne de projectiles et s’effondra. Les autres, parfaitement formés à ce genre d’urgences, se jetaient déjà hors de portée de la ligne de tir. C’est à ce moment que Chrome, ayant verrouillé les portes du van, lança celui-ci en avant. Rocade était déjà en train de faire un recul d’urgence et de se diriger à haute vitesse vers la sortie.

Tout en conduisant le van, Chrome regardait son passager. Le jeune homme, coincé à l’intérieur du compartiment médian du van, était à moitié hébété, indécis, tenant encore la mallette avec laquelle il avait voyagé.

– « On vous a sorti de leurs pattes. On vous trouve un endroit tranquille. Ne faites pas de bêtise si vous voulez leur échapper. »

– « Qui êtes-vous ? Pourquoi faites-vous ça ? »

– « L’idée n’est pas de moi, je ne fais qu’aider. Nous verrons plus tard. En attendant, nous ne sommes pas tirés d’affaire. »

De fait, moins d’une minute après l’interception, Chrome arrêtait le van dans un autre parking, et déverrouilla les portes. Le véhicule de Rick était à devant eux. Ils y prirent place.