Dans le tonnerre des alarmes qui s’étaient déclenchées, sous les jets des sprinklers qui éteignaient un incendie virtuel, éclairé par les lumières de secours qui indiquaient la sortie, un jeune homme dégingandé se mêlait aux gens qui évacuaient par routine, pressés d’arriver au point de rassemblement.

Beaucoup se cramponnaient à leur terminal portable mort, dans l’espoir de leur redonner une étincelle de vie, d’obtenir des indications sur ce qui se passait, ce qu’il fallait faire. La guerre ? Une attaque d’un concurrent ? Peu crédible en plein milieu de Düsseldorf, au siège même de la mégacorp la plus puissante en armement. Le courant humain descendait les escaliers, s’alimentant à chaque étage,  un fleuve atteignit les sorties, marchant en direction des points de rassemblement.

– Frankie ?

Le jeune homme modifia sa trajectoire, rejoignit le collègue qui l’interpelait.

– Frankie, tu sais ce qui se passe ?
– Je dirais une E.M.P. A part ça, pas trop d’idée, mentit-il à moitié.
– Mais personne n’a tiré de bombe A.
– Non. Et personne n’a tiré dehors. Les troupes sont sur le qui-vive.

Frankie mit la main dans sa poche. A cet endroit, le sol était conducteur. Le déclencheur était présent, bien ferme sous son pouce. « Phase deux. » pensa-t-il pendant qu’il réactivait le système. Avant de compter jusqu’à trois, il toucha de sa main gantée la carcasse métallique de l’émetteur.  Le supraconducteur caché dans son gant, menant sous sa chaussure, protégea par la cage de Faraday ainsi formée son fragile équipement électronique. Frankie imagina la vague électromagnétique qui passait, détruisant tout appareil non protégé. La facture allait être lourde.

Les sirènes se calmèrent d’un coup. Les signalisations de secours s’éteignirent. Une obscurité presque absolue avait succédé au chaos. Des gens se mirent à crier, d’autres appelèrent à ne plus bouger. La discipline fut la plus forte.

La nuit était sans lune, et le ciel couvert masquait jusqu’à la lumière des étoiles. Le choix de ce moment avait été délibéré.

Se faufilant entre des gardes de sécurité hagards et sans ordre, un char de défense complètement inerte, et un groupe qui déverrouillait l’armure non moins inerte d’un garde lourd, il atteignit le parking extérieur, et ouvrit l’attache mécanique de sa bicyclette.

Et ce fut à vélo que Frankie franchit le portail béant du siège de KPM, espérant ne plus y revenir.

Libre !

La gare se situait à moins de trois kilomètres.